Depuis maintenant 5 ans et la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, les pays occidentaux et le monde entier sont en crise. Dans un premier temps, en 2007, la crise financière a été marquée par une crise de liquidité et de solvabilité qui s’est traduite par un resserrement du crédit (credit crunch en anglais), menaçant fortement l’économie réelle par le biais de la titrisation, qui consiste à rendre un prêt ou une créance non négociables et en un actif financier liquide sur les marchés financiers. C’est ainsi que la crise des subprimes, uniquement américaine, s’est propagée au reste du monde à via l’internationalisation des marchés financiers et des banques.
Cette crise boursière et financière débouchant sur une crise économique, l’État a du injecter dans l’économie des dizaines de milliards d’euros ou de dollars pour relancer la machine et la croissance, en favorisant la consommation des ménages notamment. On peut aussi appeler cela, en économie, des plans de relance keynésiens, qui visent donc à booster l’économie via la hausse de la consommation des ménages, et notamment ceux des plus démunis, qui ont une propension à consommer plus importante que les plus riches, qui épargnent plus (on parle de loi psychologique de Keynes). Dans ce même objectif de relance économique, les grandes banques centrales ont mené des politiques monétaires expansionniste, favorisant la baisse des taux directeurs et donc des taux d’intérêts des banques et facilitant l’investissement privé pour les entreprises. Ainsi, une spirale récessionniste comme celle de la crise de 1929, que beaucoup craignaient, a été évitée grâce à une bonne intervention étatique dans les pays développés.
Mais à quel prix? En effet, depuis 2007, les dettes publiques des pays d’Europe, des États-Unis et du Japon, ont totalement explosé, jusqu’à penser que celles-ci deviendraient insoutenables et mèneraient ces pays à leurs pertes. Ainsi, cette hausse spectaculaire des dépenses publiques, en plus d’un fort tassement des recettes fiscales à cause de la contraction économique, a débouché sur des déficits publics et des dettes publiques qui ont, pour certains pays, doublé en même pas 5 ans. En France, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, la dette française a pratiquement augmenté de 700 milliards d’euros pour atteindre près de 90% du PIB, bien au delà des 60% autorisé par les critères de Maastricht. Le niveau de la dette a déjà dépassé les 150% du PIB en Grèce et plus de 120% du PIB en Irlande et en Italie. Dans le reste du monde, la dette américaine a dépassé le seuil symbolique des 100% du PIB quand celle-ci est à près de 230% au Japon… (bien que détenu en grande majorité par des japonais, ce qui limite le risque). Actuellement, nous nous interrogeons sur le fait qu’il faille, ou non, garder le Grèce dans la zone euro, alors que celle-ci risque de ne plus vouloir appliquer les plans de rigueur, qu’exige l’Union européenne en contrepartie des prêts qu’elle lui accorde, du fait que le parti de la gauche radicale grec risque de prendre le pouvoir très bientôt…
vers un effet domino de contagion de la crise?
Pour sortir de ces crises, les hommes politiques des différents grands pays ne s’accordent pas sur les moyens qu’il faut utiliser et sur la stratégie de sortie de crise. Exemple tout récent, les différentes solutions qu’ont la France et l’Allemagne pour sortir de la crise de l’euro, afin d’éviter son éclatement. C’est pour cela que nous allons étudier et analyser la pensée de deux grands économistes, John Maynard Keynes et David Ricardo, pour justement se demander si, en ces temps troubles, nous ferions mieux d’être plutôt keynésiens ou ricardiens? Si raccourci il doit y avoir, alors le président socialiste François Hollande se range du côté des keynésiens tandis que la chancelière Angela Merkel serait plutôt ricardienne, c’est à dire adepte de la pensée de David Ricardo. L’un serait donc favorable à des politiques plutôt conjoncturelles de relance de l’économie tandis que l’autre privilégierait les politiques structurelles, le plus souvent libérales, qui ne portent souvent leurs fruits qu’à long terme et donc plus impopulaire politiquement. Ne faisons pas un mauvais procès à François Hollande, qui vient juste d’annoncer récemment que « la croissance ne naîtra pas de dépenses publiques supplémentaires ». Cependant, quand on voit ce que son gouvernement a fait depuis 1 mois ou ce qu’il compte faire dans les prochains mois, à savoir augmenter de 25% l’allocation de rentrée scolaire, donner un « coup de pouce » au SMIC ou revenir sur la réforme des retraites, on peut s’interroger sur la sincérité de ces propos ou du moins penser dès maintenant que le « tournant de la rigueur » va arriver plus vite que prévu.
Interrogeons nous alors sur ce que sont vraiment Keynes et Ricardo et de savoir comment auraient ils réagi face à cette crise. Faut il, pour relancer la croissance, mener des politiques keynésiennes ou ricardiennes? Le problème est qu’en France, on veut toujours opposer ces 2 grands économistes sous prétexte que leurs solutions sont trop éloignées, alors que c’est faux et que l’on peut concilier politiques keynésiennes et ricardiennes.
En France, pour appuyer ses arguments, la gauche cite souvent Keynes, souvent à tord car Keynes était un libéral et contre l’étatisation de l’économie. De même, la gauche française veut relancer la croissance en augmenter la consommation des ménages via la hausse du SMIC ou des allocations de rentrée scolaire, alors que Keynes prônait une relance via l’investissement, qui a des effets de long terme alors que la relance par la consommation n’a généralement que des effets de court terme et conjoncturelles. Ainsi, en 2008, Keynes se serait sans doute opposé aux différents plans de relance car la crise était déjà structurelle (crise de dérégulation financière) alors que celle-ci a été traitée par des actions conjoncturelles. Ainsi, les États sont sortis très affaiblis en 2010 (à cause de l’endettement excessif) alors même qu’ils doivent jouer un rôle majeur dans le soutien à l’activité économique, selon Keynes. De même, il est intéressant de noter que Keynes, déjà à son époque, était favorable à une dévaluation fiscale et à une taxe sur les importations, ce qui correspond à la TVA sociale qu’a proposée Nicolas Sarkozy et qu’a toujours combattue la gauche. Enfin, l’idée de créer une taxe sur la finance (taxe Tobin) semble être une bonne idée qui fait consensus politiquement en France. Ainsi, il ne faut pas se fier aux apparences: Keynes n’était pas un partisan uniquement des politiques de court terme mais aussi celle de long terme et donc des politiques structurelles. La gauche ne devrait donc pas caricaturer Keynes et si elle appliquait à la lettre ses prérogatives, alors la situation économique du pays serait sans doute meilleure…
David Ricardo, comme Adam Smith, est un économiste classique, à savoir libéral, partisan d’un État non interventionniste (ou du moins peu) dans l’économie. C’est donc leurs positions respectives vis à vis de l’État qui séparent radicalement ces deux économistes. Comme la pensée libérale inspirée par Smith, Ricardo, Say ou plus récemment Friedman, l’Allemagne d’Angela Merkel privilégie une vision de long terme, qui s’effectue principalement via des politiques structurelles à connotations libérales, via la compétitivité accrue des entreprises ou encore une meilleure flexibilité sur le marché du travail. Pour Ricardo, et aussi pour Bruxelles aujourd’hui, la qualité des dépenses publiques importe largement plus que la quantité. Par exemple, en France, le niveau des dépenses publiques dépasse de près de 10 points de PIB celui de l’Allemagne (45% contre 55% du PIB en France). Pourtant, l’État n’y est pas plus efficace et la situation économique des deux pays semble montrer que la vision allemande semble être meilleur. Ricardo montre via la théorie de l’équivalence ricardienne, reprise ensuite par Barro dans les années 70, que les dépenses publiques financées par la dette ne sont pas plus efficaces que celle financées par l’impôt car les agents économiques vont anticiper les mesures d’austérité qui suivront pour rééquilibrer les comptes publics et donc épargner davantage. C’est pourquoi Ricardo était un tenant de la rigueur budgétaire car pour que l’État puisse agir un minimum dans l’économie, déjà faudrait il qu’il en ai les moyens financiers sans dépendre totalement des marchés financiers, souvent accusé d’être les responsables de la crise alors qu’au contraire ils participent à éviter qu’elle ne se transforme en dépression, du moins depuis 2 ans. Cependant, pour accomplir ces réformes structurelles indispensable en France, il faut avoir du courage politique, ce que n’a pas eu François Hollande durant sa campagne mais qu’il va certainement devoir avoir dans les prochains mois. En effet, l’agenda 2010 mis en place par le social-démocrate allemand Schröder au début des années 2000 permet à l’Allemagne d’être dans la bonne situation qu’elle vit aujourd’hui, au prix d’une défaite électorale. De même, les réformes structurelles que voulait mettre en place Nicolas Sarkozy (retraites, TVA sociale) semblaient aller dans le bon sens au vue de la situation financière du pays mais les français lui ont préféré François Hollande.
Ainsi, il semble possible de concilier politiques keynésiennes et politiques ricardiennes en Europe et c’est ce qu’il semble se profiler. La volonté de relancer la croissance économique en Europe va forcément devoir se faire via une relance de la consommation et de l’investissement -Vive Keynes!- tandis que la consolidation budgétaire absolument nécessaire passe par la poursuite de la rigueur -Vive Ricardo!- en Europe. Il en va donc de la responsabilité et de la crédibilité des gouvernements en place qui eux seuls peuvent éviter l’explosion de la zone euro et une stagnation économique qui se prolongerait pour les dix années à venir…